Gonzague Dambricourt

Armée de Terre. STOP. 24 heures avec des jeunes recrues. STOP

Récemment on m’a proposé un truc assez … hors du commun. Loin de la thématique “majeure” de mon blog (à savoir les nouvelles technos), l’expérience se voulait – et s’est avérée – unique.

Passer 24 heures avec des jeunes recrues .. c’est pas le truc qui t’arrive tous les jours… enfin quand t’es pas dans l’armée.

Dans quel cadre ?

Comme d’habitude – blogueur style – tu sais qu’on ne t’invite pas pour tes beaux yeux (et encore moins quand il s’agit de moi, mes yeux ne sont pas beaux). En fait c’était dans le cadre de la nouvelle campagne de recrutement de l’Armée de Terre dont le leitmotiv est “Devenez vous même“. Je n’ai pas appris un argumentaire de défense de ce slogan par coeur donc voilà 😛

Vous aurez peut être aperçu des publicités dans le métro si vous n’êtes pas devenu étanche aux 4 par 3… et ailleurs. bref.

C’était bien ?

Le Club Med en treillis. Ou pas vraiment. Au programme de notre immersion dans les rangs du RICM (Régiment d’Infanterie Chars de Marine) de Poitiers, on embarque 5 personnes : Pénélope, Sabine, Gonzague, Mauricio et Richard. C’est seulement “sur site” que nous apprenons que nous allons devoir participer à une course d’orientation (dans la vraie nuit), dîner en mode ration de combat (avec de la vraie bouffe réchauffée … well… d’une façon plutôt spéciale) et enchaîner par une marche de 20 kilomètres de nuit.

Ouais, genre t’es monté dans un Range Rover en cuir avec des petits fours et du champagne en regardant les autres courir sur 20 km!

Un Range Rover peut être mais un un Range Sport! Non pas vraiment, quand j’ai accepté de venir à cette opération c’était sans retenue particulière et sans jouer les princesses même si parfois je suis une petite nature

On a donc sauté dans un train depuis Paris, pendant le trajet nous avons été briefés par la très charmante capitaine Gascon (on ne t’appelle pas par ton prénom dans l’armée) qui bosse pour la communication de l’Armée de Terre, et comme le dit bien le site de recrutement de l’armée, nous avons appris à quelle sauce nous serions mangés.

Arrivée à Poitiers, accueil par le capitaine Outtier et le sous lieutenant Populaire. Je prends une photo, je twitte et un de mes followers reconnaît le sous-lieutenant. Le monde est petit. On fait connaissance, on nous explique quelques nouveaux détails et on embarque dans une camionnette de l’armée pour se diriger vers le régiment, plus tard nous serons équipés par un magasinier (ce n’est pas forcément le bon mot, l’armée possède tout un lexique, de quoi faire pâlir votre médecin qui aime toujours autant vous parler de paléo-trachéite surannée du lombaire nord-est avec défibrilation de la rétine arterielle. autant dire, tu fais pas le malin) très accueillant et plein d’humour.

La seule chose que nous gardons de nos propres vêtements : nos chaussures. pour le reste, c’est le paquetage classique de l’armée (parka, treillis, polaire, ceinturon, ceinture, couteau, tshirts..) Content d’avoir pris des chaussures de marche assez confortable comme le programme ne ménage pas spécialement nos pieds parisiens. Ok j’ai passé qu’un an et demi à Paris mais quand même.

Bref, on rencontre du monde, on sert des mains. on est briefés. il fait pas très chaud mais c’est pas grave, je suis pas en short. on finit par monter dans un autre véhicule pour prendre le chemin du camp de Montmorillon où il y a déjà un paquet de jeunes engagés. L’adjudant Garrigues explique le but du “jeu”. Ce qui pour nous est assez excitant est un exercice que les engagés finiront par détester : éprouvant et fatiguant , il leur permet cependant d’avoir leur dîner.

nous sommes immergés dans les équipes et cela rend l’expérience hallucinante, forte et humaine. on rencontre et discute – en courant – des jeunes , par équipe de 3 , qui ont choisi , pour une raison ou une autre de consacrer une partie de leur vie à un métier dont la formation est tout sauf reposante et qui impose le respect.

la salle de briefing est un peu flippante, les personnalités s’effacent sous les treillis et les bonnets, certains ont leur propre paire de gants, plus chaudes, plus confortables. certaines choses sont autorisées, d’autres pas. les engagés n’ont pas l’air bien plus âgés que nous. calmes, presque résignés ils n’attendent que de s’élancer à travers le terrain pour chercher leur dîner.

“l’aventure” continue. on sort chercher les rations, dans l’obscurité mais aidés de lampes que chacun porte au front pour avoir les mains libres. on, enfin ils – j’y suis pour si peu – finissent par trouver le fameux drapeau, on revient en courant pendant que les trois personnes de mon groupe m’expliquent leurs parcours, la difficulté de la formation.. et leur motivation. on revient diner, les gars se mettent en quatre pour partager, me proposer de choisir ce que je veux manger. pas question, on partage et chacun prend ce qu’il aime, je préfèrerai choisir en dernier. ils réchauffent les rations de combat comme ils peuvent. on mange, on parle, on rigole de la bouffe, ils me racontent qu’il existe un petit marché d’échange des rations, tout se troque.

c’est pas fameux fameux mais ça se laisse manger. évidemment on n’est pas venus en s’attendant à voir le camion d’un traiteur

on continue ensuite en embarquant dans les bons gros camions (dans ce style). l’ambiance est unique. c’est bien le mot unique. les mecs (oui y a quand même une écrasante majorité de mecs faut dire ce qui est) chantent tous ensemble et – quel talent – s’endorment! mon voisin et moi regardons la route : il est bien tard, la brume flotte aux alentours et seul l’éclairage des camions donne vie aux paysages. surprenant. ce soir là on ne regardait pas un film on le vivait presque.

la nuit se poursuit avec les vingt kilomètres de marche, fatigants mais on tiendra le coup et pas après pas un seul constat peut s’établir : ces hommes là sont autrement plus humains et respectueux que nous.

j’ai quelques membres de ma famille dans l’armée, qui sont partis sur des destinations par forcément roses (Haïti, l’Afrique du Nord) mais ce n’est pas forcément des choses qui sont plaisantes pour eux à raconter. et pas forcément faciles. et dans ces moments, le sentiment immense de fraternité qui existe dans l’armée doit être sans nul pareil pour tenir le coup.

est-ce que je m’engage demain? pas spécialement mais si l’expérience était à refaire, je le referai !

le récit de richard se trouve ici / une photo de moi avec l’équipement approprié à notre immersion chez embruns / le compte rendu poétique – et super bien écrit – de Pénélope / le billet très intéressant avec pas mal de chiffres de sabine est ici / le flickr de la mitraillette humaine est là et d’ailleurs je suis dedans.

// oh et comme quelques idiots ont tenté de lancer des rumeurs (infondées of course) concernant le fait que j’ai été rémunéré pour aller marcher dans la gadoue, je suis au regret de leur annoncer qu’ils se mettent les rangers dans le cul. euh, le doigt dans l’oeil.

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