Gonzague Dambricourt

Le Procès

Je ne me souviens plus des dates exactes mais un jour Papa est revenu à la maison et je me rappelle d’une ambiance assez étrange.

Son bureau lui avait interdit de revenir sur son lieu de travail, comme ça, d’un coup.

Pas sans raisons bien sûr. Il était accusé de faute grave. Et licencié par la même occasion. Que lui reprochait-on ? L’irrévérence envers ses supérieurs (la direction) et le non respect de la politique commerciale de l’entreprise.

Evidemment ce sont deux motifs fort pratiques pour se débarrasser d’un employé, une petite exploitation pratique des procédures de licenciement et des faits pouvant conduire à celui-ci.

Et évidemment, il était plutôt étrange que mon père soit déclaré irrévérent après dix-huit ans de boîte. C’est le genre de choses qui tendent à vous montrer que la société ne veut plus de vous.

La société , je ne suis pas tout à fait sûr de pouvoir donner son nom mais nous allons dire qu’il s’agit d’un “grand” quotidien concernant le Nord-Pas-de-Calais.

Pour tout vous dire, ça fait bizarre de se dire que votre père, qui a loyalement bossé pour une entreprise se fait jeter comme une merde (oui je n’ai pas d’autres mots pour décrire ça). Que du jour au lendemain, il n’a plus de salaire et que la société ayant eu recours à la “faute grave” , il ne touchera aucune indemnité pour toutes ces années de travail…. parce qu’en France on a quand même un système censé être favorable aux salariés.

Quand vos amis vous demandent quel travail fait votre père, et que vous n’osez pas dire qu’il ne travaille plus. Quand vous savez que pour ne pas inquiéter votre grand-mère maternelle vous ne devez rien lui dire. Car ce sont des “nouvelles” qui circulent plutôt vite.

La Justice. Au tout début on y croit dur comme fer. On se dit qu’évidemment, vu le geste de l’employeur , celui-ci ne peut qu’être sanctionné. Mais non.

Un passage par les Prud’Hommes prouvera le contraire, ceux-ci donnent raison à ce “grand quotidien régional”. Parce que la société a fait le nécessaire pour obtenir des témoignages qui lui sont très favorables , n’hésitant pas à obtenir de faux témoignages ou des témoignages légèrement transformés.

Heureusement – se dit-on – que les témoignages de notre père démontre le contraire. De bons clients et des gens plutôt influents dans la région. Mais non.

Aujourd’hui , après un passage au tribunal, c’est la société qui a été mis en tord. Je vous épargne les détails des procédures mais mon père a enfin obtenu gain de cause. Et bien sûr depuis il a retrouvé un emploi. Moins passionnant que l’ancien mais dans une société moins grosse, dans laquelle les gens ne sont pas considérés comme des pions mais comme des humains….

Et ça fait plaisir. Plaisir de voir que le mensonge et les propos calomnieux ne triomphent pas. Plaisir de voir que cette fierté qu’on lui avait prise sera en partie ré-instaurée. Et de voir que mon père n’a jamais perdu le moral dans ce combat contre une société ayant les moyens d’avoir trois avocats sur un dossier dans lequel le parti opposé n’en a qu’un.

(ah et puis ils vont devoir payer les sous qu’ils n’ont pas donné en faisant leur licenciement abusif. Je vais enfin pouvoir demander une Aston Martin à mon père. Ou pas).

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